COVID-19 : ses impacts humains et financiers sur le secteur muséal
Dans le contexte exceptionnel causé par la pandémie de COVID-19, la SMQ documente ses impacts sur les institutions muséales et met en œuvre des actions visant à consolider le réseau muséal. Parmi les premières actions en ce sens, elle a réalisé un sondage en ligne, du 9 au 23 avril, à l’intention de ses membres institutionnels. Son but : compiler les données nécessaires pour faire un premier bilan des impacts humains et financiers sur le secteur muséal.
Outre une bonne représentativité territoriale, les 108 réponses reçues couvrent des musées de toutes tailles et de tous types. En résumé, les pertes anticipées par les répondants s’élèvent à près de 20 M$ sur une période de trois mois et demi (du 15 mars au 30 juin). Plus de la moitié des répondants, soit 64 %, ont dû procéder à des mises à pied et un quart ont mis à pied trois-quarts de leurs effectifs. Un quart des institutions muséales répondantes ont dû à la fois procéder à des mises à pied et réduire les heures de leurs employés.
Au-delà des chiffres compilés, les réponses à 5 questions ouvertes traduisent bien les préoccupations vécues par les gestionnaires, tant sur le plan humain que financier, ainsi que leur perception quant à l’après-crise.
Pour consulter les résultats du sondage d’avril (PDF)
Des forums de discussion virtuels pour renforcer le réseau
Parallèlement au sondage, la SMQ a organisé une série de forums de discussion virtuels les 21, 22, 23, 24 avril. Ayant réuni plus de 80 directeurs et directrices d’institutions muséales pendant deux heures, ces rencontres visaient à favoriser le partage entre eux et avec la SMQ ainsi que les échanges au sujet de la réouverture au public.
Ces rencontres virtuelles ont été l’occasion pour la SMQ de présenter ses différentes actions de représentation auprès des instances gouvernementales ainsi que son plan de relance spécifique aux institutions muséales. Ce plan repose sur trois types piliers :
- Un plan de mesures sanitaires adaptées au milieu
- Des campagnes de communication (sur l’ouverture sécuritaire des musées) et de marketing (sur les musées de proximité)
- Une offre de formations en ligne et d’accompagnement personnalisé.
La discussion s’articulait autour de trois axes : les ressources humaines, l’offre muséale et les ressources financières. Étant donné les nombreuses interrelations entre ces trois axes, nous résumons ci-dessous les principales idées qui ressortent globalement de ces forums.
Souplesse et capacité d’adaptation requises
Cœur et âme de toute institution muséale, les ressources humaines ont subi les effets de la pandémie de diverses manières. D’aucuns ont réussi à maintenir leur équipe permanente en télétravail – avec toutes les adaptations que cela exige – et s’inquiètent de l’embauche de leurs ressources temporaires pour la saison estivale. Les étudiant.e.s seront-ils ou elles plus intéressé.e.s à bénéficier des aides gouvernementales qu’à travailler au musée? Y aura-t-il assez de visiteurs pour justifier leur embauche? D’autres ont souligné que le travail en milieu muséal est très apprécié et suscite parfois une réelle passion. Certain.e.s employé.e.s ont plutôt hâte de revenir travailler. Plusieurs participant.e.s, quels que soient le type et la taille de leur musée, ont évoqué les mises à pied et les réductions de salaire qui ont dû être effectuées pour garder les liquidités.
Malgré la grande incertitude dans le milieu, une chose est certaine : de nouvelles façons de faire vont s’imposer tout comme une révision de l’organisation du travail. Souplesse et adaptation seront de mise pour l’ensemble des ressources humaines, incluant les bénévoles. Dans plusieurs cas, leur contribution sera impossible en raison de leur âge qui les rend très fragiles face à la COVID. Il en va de même pour plusieurs musées dont les principaux publics sont âgés. Les gestionnaires doivent également composer avec la peur rationnelle et irrationnelle que génère la pandémie. Ainsi, il est important de miser sur la transparence, l’écoute et la circulation d’une information juste et pertinente d’abord au sein des équipes puis auprès des publics.
Que serons-nous en mesure d’offrir cet été?
Il va sans dire que les mesures sanitaires pour assurer la sécurité à la fois des employés et des publics ont occupé une place importante dans les discussions, que ce soit du point de vue humain – nous ne pourrons pas faire la police! – que d’un point de vue financier – il ne faudrait pas que ces mesures coûtent plus cher que les revenus générés par les droits d’entrée!
Certes, les mesures sanitaires se répercutent sur l’achat de billets (privilégier les transactions numériques), le contrôle du nombre de visiteurs en fonction de la taille de la salle ou de la maison historique par exemple, le nettoyage des interactifs (à qui incombe la responsabilité?), l’annulation des visites guidées en groupe, le marquage au sol, la disponibilité des produits sanitaires, etc. Tous les efforts que cela exige auront un impact sur ce que les musées seront en mesure d’offrir. À ce chapitre, les témoignages d’annulations d’activités, de projets reportés, d’expositions annulées ont été nombreux. Dans plusieurs cas, l’offre sera réduite cet été ou recentrée sur les expositions permanentes.
Par ailleurs, l’importance de maintenir une présence virtuelle, voire de développer l’offre numérique, semblait faire consensus. En fait, il faudra trouver un bon équilibre et une complémentarité entre l’expérience in situ et en ligne.
Pour qui?
Si plusieurs s’interrogent sur l’éventuel retour – un jour – des visites en groupe, d’autres rappellent les pertes financières que représente l’absence des groupes scolaires au printemps. Pour certains, cela représente une part substantielle de leur budget d’exploitation annuel. Ces publics seront difficiles à reconquérir et les revenus qu’ils génèrent impossibles à retrouver à court terme.
Sur le plan touristique, les défis sont immenses aussi. Alors que tout indique que cet été sera, au mieux, celui des touristes interrégionaux, plusieurs s’inquiètent de la capacité financière et de la disponibilité des touristes québécois pour se rendre dans les régions éloignées des grands centres. Tous ceux qui comptent habituellement sur une forte proportion de touristes hors Québec et internationaux se trouvent donc dans une bien mauvaise posture.
Le nerf de la guerre
Partout, les besoins financiers sont criants et personne ne sait jusqu’à quel point les programmes gouvernementaux pourraient compenser les manques à gagner. La mesure des dimanches gratuits remboursés par le MCC pourrait-elle être élargie à tous les dimanches et non seulement le premier du mois? Le Plan culturel numérique du Québec pourrait-il prévoir des enveloppes pour bonifier les expériences virtuelles des musées? Le gouvernement fédéral pourrait-il dédier des mesures compensatoires spécifiques aux expositions itinérantes? Comment compenser les manques considérables causés par les évènements et les actions philanthropiques annulés?
Autres perspectives…
L’actuelle période de télétravail s’avère par ailleurs une bonne occasion de parfaire les connaissances et d’améliorer ou de diversifier les compétences des ressources humaines. Ce qui a amené certaines personnes à parler d’un véritable « magasinage » de formations et d’activités de développement professionnel.
Enfin, alors qu’il y aura indubitablement moins de visiteurs dans les musées, pourquoi ne pas profiter de l’été pour tester des innovations ou des expériences numériques? Les startups et laboratoires d’innovation attendent les propositions de projets de toutes natures!
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