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La culture, le goulag ?

Questions politiques / 9 mars 2001

Madame Hélène Pagé réagit aux commentaires diffusés par certains médias sur la nomination de madame Diane Lemieux au ministère de la Culture et des Communications. Par la même occasion, madame Pagé témoigne de sa réaction aux changements apportés par le premier ministre Bernard Landry.

Il y avait de quoi être indigné ou très déprimé en écoutant hier soir les commentaires à la télé sur la nomination de Madame Diane Lemieux au ministère de la Culture et des Communications. Les citations sont de mémoire, les entrevues auraient dû être enregistrées pour triste mémoire! À les entendre, on croit que de diriger ce ministère équivaut à une peine à expier.

D'abord à TVA, Michel Vastel y va d'un : «Elle (Madame Lemieux) méritait mieux que ça». À Radio-Canada, commentant le fait que les ministères confiés à des femmes dans le nouveau cabinet de monsieur Landry soient de moindre importance, Madame Lisa Frula, qui a elle-même déjà occupé la fonction, dit ne pas comprendre qu'on lui ait octroyé ce poste et Claude Charron de renchérir: «Il est vrai que Diane Lemieux avait brûlé ses cartes à l'Emploi». On comprendra que pour tous deux, il s'agit d'une certaine forme de punition. Et un peu plus tard, un grand blond pose sournoisement la question à la nouvelle titulaire, à savoir si elle est déçue de ce nouveau mandat. Quand journaliste, artiste et ex-politiciens font chœur pour souligner le peu d'importance de ce ministère, il y a des questions à poser.

Pas important parce qu'on s'y occupe des dizaines de milliers d'artistes, créateurs et travailleurs culturels dont un trop grand nombre vivent sous le seuil de la pauvreté, pour la majorité dans la précarité, sans bénéfices marginaux? Pas important parce que ne détenant pas un budget important? Madame Maltais mentionnait hier qu'elle aura dans ses nouvelles fonctions à gérer un budget trois fois supérieur à celui du ministère de la Culture et des Communications. Pas important parce que l'on n'en parle pas assez? Mentionnons ici que vendredi dernier, lors de son allocution d'investiture, si monsieur Landry rendait hommage à Claude Gauthier (hommage tout à fait mérité au demeurant) et qu'il soulignait qu'à Davos, le Québec était la seule nation à donner une soirée culturelle et que la culture est importante, il restait silencieux sur ses intentions à son égard. Soins de santé, éducation, régions, jeunes, économie, pauvreté ont eu droit à des engagements. Ou alors fallait-il entendre que c'est par le biais de la lutte à la pauvreté que l'on s'occupera de la culture? À ce chapitre, Madame Lemieux qui a dirigé le Conseil du statut de la femme et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, sera en terrain de connaissance avec le milieu culturel.

Quel paradoxe! On aime se targuer de la force de notre culture, on vante l'excellence des gens de théâtre, de la danse, des artistes en arts visuels, des écrivains, vidéastes, cinéastes, des créateurs en métiers d'art, de nos chanteurs et musiciens, des artistes du cirque et j'en passe. On se bouscule dans les festivals partout à travers le Québec; en 1998, plus de 12 millions de visiteurs ont franchi le seuil des institutions muséales d'ici. Près de deux cents d'entre elles viennent d'ailleurs de se voir octroyer une reconnaissance pour leur grande performance. Et pourtant tout ce milieu qui fait bouger le Québec, qui participe aussi à sa vie économique, pensons aux seuls retours en matière fiscale qui se chiffrent en centaines de millions de dollars, n'est jamais perçu comme générateur de revenus, créateur d'emplois.

Voyons dans le fait que ce ministère devienne ministère d'État, un signe favorable pour notre milieu. La présence de Madame Lemieux à titre de vice-présidente au Conseil du Trésor pourra peut-être favoriser la cause. Et deux bonnes nouvelles, la Charte de la langue française sera sous sa responsabilité. À l'occasion d'un sondage*, 71,4% des répondants désignaient la langue comme premier bien patrimonial. Il y a là une logique certaine à associer la langue et la culture. Et le retour de l'autoroute de l'information sous la tutelle de Madame Lemieux s'avère aussi très positif, le milieu de la culture et des communications étant très actif dans ce champ, on devrait y retrouver une écoute favorable.

Bref, Madame Lemieux a de nombreux défis devant elle, dont celui de rendre opérante la politique muséale. Eh non, nous ne déprimerons pas, mais oui nous resterons indignés tant que nous n'obtiendrons pas notre juste part.

Hélène Pagé
Présidente de la Société des musées québécois - 9 mars 2001

*Étude sur la notion du patrimoine, Léger & Léger, Montréal, juillet 2000, p.4

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