Remonter le temps avec les plus anciennes maisons du Québec
Claude Benoît, muséologue
Quel privilège de pouvoir visiter les plus anciennes demeures du Québec, véritables joyaux de la Nouvelle-France ! Artéfacts archéologiques et objets historiques mis en scène dans les espaces de vie d’antan aident à imaginer nos ancêtres cuire le pain, faire le commerce des fourrures ou encore conter des histoires au rythme des berceuses. Une occasion unique de se laisser inspirer par les rêves de ces bâtisseurs...
La Maison Le Ber-Le Moyne - Musée de Lachine
La Maison Le Ber-Le Moyne, érigée entre 1669 et 1671 à l’instigation des ambitieux marchands de fourrures Jacques Le Ber et Charles Le Moyne, constitue le plus ancien poste de traite du pays.
L’exposition La Maison Le Ber-Le Moyne, un site, un rêve… présente plus de 400 objets, héritage de plusieurs générations d’occupants. Vêtements, ustensiles et couverts de table, bilboquets et poupées côtoient les peaux, les outils et les objets de traite. Ils évoquent tour à tour le troc entre Amérindiens et Européens, le départ et l’arrivée des expéditions vers les Pays d’en Haut, le quotidien des marchands de fourrures, des agriculteurs et des aubergistes.
L’habitation et sa dépendance sont des témoins exemplaires de l’architecture du Régime français. Leur emplacement stratégique nous rappelle que Lachine, troisième paroisse fondée sur l’île de Montréal, a joué un rôle significatif dans le développement commercial et industriel de la Nouvelle-France et du Canada.
La Maison Lamontagne – Rimouski
Édifiée vers 1740, la Maison Lamontagne se distingue par son mode de construction, le colombage pierroté, une technique qui prend sa source au Moyen Âge. Une rareté en Amérique du Nord !
Dans les petits racoins, le puits, la réserve de légumes, la laiterie, l’âtre et le four à pain, les objets et le mobilier dévoilent les secrets de la préparation de la nourriture en Nouvelle-France ainsi que les facettes de l’alimentation familiale.
Au grenier, coffres et garde-robes révèlent la place du vêtement et des linges de maison dans la vie de trois générations d’occupants. De la production locale aux importations de la mère patrie en passant par les influences des autochtones, on tire d’importantes leçons de ces pionniers sur les modes de transformation, de réutilisation et de transmission intergénérationnelle.
La Maison Drouin – Île d’Orléans
Construite par les Canac dit Marquis vers 1730, la Maison Drouin a été habitée jusqu’en 1984 par la famille Drouin. L’architecture caractéristique du Régime français et l’intégrité de l’ambiance intérieure confèrent une grande valeur patrimoniale à cette demeure, seule maison d’habitant typique de l’île d’Orléans accessible au public.
Le feu dans la cheminée, la chaise berçante, le foyer et le four à pain, la laiterie attenante, les niches avec leur statuette laissent croire au retour prochain de ses habitants. De plus, les 27 capsules interactives de l’exposition 300 années et quelques choses ajoutent une touche poétique à la réalité des lieux, associant objets et pièces de mobilier aux souvenirs des divers occupants. La mémoire des familles d’agriculteurs ainsi préservée rappelle avec fidélité l’époque préindustrielle du pays.
La Maison Nivard-De Saint-Dizier – Montréal
Sise au pied des rapides de Lachine en bordure du fleuve Saint-Laurent, la Maison Nivard-De Saint-Dizier date du début de la colonie. Sa façade de pierre, ses deux grandes cheminées, son toit en bardeaux de cèdre en font un exemple remarquable de l’architecture rurale en Nouvelle-France. Ses fondations reposent sur un très vaste site archéologique préhistorique et témoignent de l’ancienneté de la présence amérindienne dans la région montréalaise. Parmi 16 000 artefacts, plusieurs illustrent les multiples réseaux d’échange auxquels participaient différents groupes autochtones.
Par ailleurs, la maison a servi de métairie et les familles d’agriculteurs y vivant ont contribué de façon déterminante au développement du fief de Verdun pendant plus de deux siècles.
La Maison LePailleur – Châteauguay
En 1792, le commerçant Pierre Bouthillier se fait bâtir une maison à laquelle le notaire François Georges LePailleur donnera son nom en 1826 lorsqu'il en devient propriétaire. Bel exemple d’architecture française adaptée au climat de la Nouvelle-France, cette demeure québécoise typique a connu plusieurs vocations : résidence privée, magasin général, entrepôt de fourrures et étude de notaires. On dit même qu’au lendemain de la rébellion des Patriotes, la maison aurait été réquisitionnée par les soldats anglais en poste à Châteauguay.
L’exposition Une maison mémoire, conçue par le musée spécialisé dans l’histoire du Bas-Canada, explique la construction et l’aménagement de la résidence. La représentation des activités de la clientèle et des enfants traduit bien à quel point les activités professionnelles et la vie familiale s’entremêlent à cette époque.